Cet article est le premier de la série Supercharge {1/3}
Par Thomas
La tokénomie est à la croisée entre la science économique et informatique. À ce titre, il est hyper important de comprendre l’écosystème dans le quel on évolue et quelles sont les opportunités techniques qu’il offre. Car même si on a tendance à l’oublier, la blockchain fait (déjà) des choses. Des choses de plus en plus intéressantes et que l’on peut exploiter.
La tokenomics modulaire consiste ainsi à composer un protocole à partir de plusieurs autres. Cela renvoie aux notions de modularité, la capacité à fragmenter un ecosystème digital, et de composabilité, la capacité à exploiter ces modules. Ce sont des notions fondamentales en ingénierie blockchain mais aussi en tokénomie puisque l’on va pouvoir supercharger notre système économique en tirant parti de protocoles blockchain existants.
Dans ce premier article de la série “Modular Tokenomics”, je vous explique une de mes cascades de tokénomiste préférée : comment augmenter le niveau de décentralisation de son protocole blockchain, tout en augmentant le revenu généré ? Et bien sûr comment faire ça avec des solutions déjà existantes.
Plus de décentralisation, plus de $$, moins d’effort. C’est la promesse de ce premier article
1/ Le stockage décentralisé
Le stockage décentralisé représente une alternative viable au stockage traditionnel.
Avec des protocoles come Filecoin ou Arweave, vous allez réduire vos coûts de stockage et en même temps sécuriser la donnée par la décentralisation. Par exemple, c’est très utile pour les colletions NFT artistiques qui souhaitent assurer aux propriétaires de NFT que le fichier image ne va pas disparaître du jour au lendemain comme cela pourrait être le cas sur un serveur centralisé.
Le stockage décentralisé peut avoir une utilité bien plus importante si vous administrez un protocole qui génère des fichiers que vous souhaitez conserver. C’est notamment le cas de mirror.xyz, le Medium décentralisé dédié à la publication de contenu, dont l’ensemble les contenus sont associés à des NFT marquant la propriété des articles, et qui pointent vers un fichier stocké sur Arweave. Cela fait de mirror.xyz le premier site dont le contenu est vraiment décenrtalisé.
Le stockage décentralisé est la parfaite démonstration de la capacité de la blockchain à réduire les coûts en augmentant le degré de décentralisation. Étant donné que le sujet est très sensible dans l’industrie informatique, il y a fort à parier que ce nouveau mode de stockage se démocratise de plus en plus, et pas seulement pour les protocoles blockchain.
2/ Une application backend décentralisée avec Chainlnk Keepers
La plupart des applications décentralisées reposent à la fois sur des smart contracts et sur une application backend, hébergée dans des serveurs privés (donc centralisés).
Ces applications réalisent essentiellement deux types d’opérations :
- elles lisent la chaîne et recréée une base de donnée permettant ainsi de vous afficher des informations rapidement lorsque vous vous connectez à l’app.
- elles font tourner des automatisations, appelées jobs, pour déclencher des fonctions sur les smart contracts sous certaines conditions (temporelles ou évènementielles).
Si on se concentre sur le second type d’opérations on pourrait se demander pourquoi ce ne sont pas les smart contracts eux-mêmes qui se chargent de ces automatisations. En effet, les smart contracts ne sont ni plus ni moins que des programmes et ils devraient, à ce titre, être capable de “s’auto-automatiser”.
Et bien non, car de par la nature de la blockchain, une opération sur un smart contract doit être déclenchée et signée au moment où elle est réalisée. En d’autre termes, une transaction blockchain n’est pas automatisable nativement. C’est donc le boulot de notre backend, qui va déclencher des transactions et les signer pour nous.
Mais cela pose un problème de taille : cela signifie qu’une grande partie de l’app n’est pas décentralisée et que son comportement dépend beaucoup de ce qu’il se passe hors de la chaîne, et de la manière doit ces opérations sont programmées.
C’est là que Chainlink Keepers entre en jeu. Développé par le protocole éponyme, ce sous-protocole vous permet, après avoir insérer quelques lignes de code supplémentaires dans vos smart contract, de laisser des noeuds Chainlink, les Keepers, déclencher des automatisations lorsque les conditions sont respectées. Ce faisant, vous allez décentraliser toute une partie de votre application backend, et en même temps économiser sur le déploiement et la gestion de micro-services.
Chainlink Keepers est très pratique pour les projets qui ont un budget de développement peu élevé et qui font tourner un nombre relativement peu important d’automatisations. C’est donc un outil de bootstrapping très puissant et surtout très fiable.
Ici encore, nous faisons des économies (en temps et en argent) tout en augentant de manière conséquente le degré de décentralisation de notre protocole.
3/ Décentraliser la donnée utilisateur avec Ocean Protocol
La donnée utilisateur a toujours été le nerf de la guerre dans le digital. La capacité à exploiter sa propre donnée et celle des autres est essentielle pour la mise ne place de dispositifs marketing adaptés et l’intelligence économique.
Une grande partie de la donnée de votre protocole est lisibile et accessible librement, en tout cas la donnée on-chain. C’est toute l’idée de la blockchain, la transparence. Mais s’il vous prenez l’envie d’enrichir cette donnée avec de la donnée personnelle de vos utilisateurs alors vous seriez confrontés à plusieurs problèmes :
- vous auriez du mal à la collecter car l’écosystème n’est en général pas très enclin à la partager, surtout si vous la monétisez pour votre propre profit
- vous ne pourriez pas la revendre en raison des règlementation relatives à la protection des donénes personnelles
- même si vous la revendiez, la durée de vie commerciale de votre donnée serait courte puisqu’elle fuiterait ou serais rapidement revendue de main à main.
C’est là que Ocean intervient. Le protocole permet la création de bases de données décentralisées et exploitables sans lecture.
Qu’est-ce que ça veut dire concrètement tout ça ?
Vos utilisateurs vont pouvoir partager de la donnée personnelle qu’ils seront les seuls à pouvoir déchiffrer, mais sur laquelle un programme décentralisé va pouvoir réaliser des opérations de traitement et rendre le résultat sans jamais divulguer la donnée
Combinée à la donnée disponible on-chain cela donne des bases de données très complètes et très riche. Et le plus beau dans tout ça c’est que la donnée de votre protocole a une durée de vie commerciale infinie puisque elle n’est jamais “lue”.
Votre tokénomie va donc pouvoir gérer des récompenses internes pour ceux qui alimentent un jeu de donnée commun, et les revenus issus de l’exploitation pourront être redistribués à vos utilisateurs, les incitant à partager toujours plus de données et d’enrichir en permanence le dataset de la communauté.
Mais comme on est dans un monde de composabilité, il est assez simple de brancher sa propre architecture de smart contracs dessus.
Avec Ocean on est dans un cas extrême de maximisation du couple décentralisation/revenu : aucune entité centralisatrice ne possède la donnée, et de par sa mise à disposition décentralisée vous la transformez en une source importante de revenus.
Si votre tokénomie et votre base utilsiateur s’y prête alors vous avez tout intérêt à grossir votre modèle économique avec cette formidable entrée de cash.
Ocean Protocol et sa data marketplace sont encore en version bêta et plusieurs jeux de données sont déjà disponibles à la requête. On notera au passage qu’un tel protocole n’est pas uniquement utile pour les protocoles blockchain et que son usage s’étend à tout le secteur de la donnée.
Tout comme Filecoin, Ocean Protocol est ainsi être très intéressant pour les individus, data scientists ou analystes, qui souhaitent monétiser leurs propres jeux de donnée, entraîner des algorithmes sur de larges datasets de qualité ou juste participer dans des jeux de données collaboratifs. Et aussi des entreprises qui souhaitent mettre en commun de la donnée à des fins de recherche tout en conservant leur caractère privé.
Au-delà d’être intéressant à l’échelle d’une tokénomie, je vous recommande de garder un oeil sur ce protocole très prometteur, qui répond avec élégance aux principales frictions du marché du data providing.
Comme toujours il y a quelques désagréments et considérations à avoir quand on envisage l’intégration d’une telle solution. Par exemple, il est très compliqué pour le data provider d’assurer que la donnée est de qualité puisqu’elle n’est vérifiable par personne. Ocean Protocol a prévu le coup, mais sans combler tous les trous.
4/ Bonus : Not your node, not your chain
Avant même de parler protocole, il y a un moyen efficace de générer des revenus et d’augmenter le niveau décentralisation : faire tourner son propre noeud. Ici nous prendrons le cas d’une application qui tourne sur Ethereum mais ce constat est blockchain-agnostic.
Rapide rappel : lorsque vous utilisez une application décentralisée et que vous réalisez une transaction sur la chaîne, il y a un “node provider” entre l’application et la blockchain. Un node provider est un service qui reçoit la transaction que vous souhaitez diffuser sur le réseau et la diffuse pour vous, avec ses propres noeuds (machines). La plupart des applications décentralisées ne s’embarassent pas de déployer leur propre noeud car comme vous le devinez leur déploiement et maintenance n’est pas une tâche anodine. Cela étant dit, un noeud léger (qui va simplement pousser des transactions dans la chaîne) ne demande pas une supervision excessive et augmente considérablement le degré de décentralisation de votre application. Car comme toujours, dépendre du bon vouloir d’un service centralisé n’est pas très aligné avec le spirit blockchain.
“Not your keys, not your coins” sauf qu’ici c’est plutôt “not your node, not your chain”
Vous pouvez aussi déployer un noeud complet, qui vous permettra à la fois de pousser des transactions de manière autonome, et de générer du revenu en validant des blocs de la chaîne. L’administration du noeud devra être plus importante mais notre promesse est respectée : on a bien décentralisé et gagné plus